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Santé: a quoi ressembleront les métiers de demain?

Notre système de santé risque de pâtir d’une désarticulation croissante entre l’organisation de notre modèle sanitaire et les prospectives en matière de ressources humaines.


Il subsiste également un clivage maintenu entre la « fabrique » des professionnels et les besoins du système de santé. 2018 est une année charnière pour réinterroger les formations des professionnels de santé afin qu’elles s’adaptent au système de santé de demain : les technologies, les parcours de santé et les coopérations interprofessionnelles.


 

Une dichotomie marquée entre les médecins et les autres professions de santé


Nous payons actuellement le manque de réflexion collective sur les rôles et positionnements respectifs des différentes professions et disciplines (médicales, paramédicales et médico-sociales).La médecine libérale en France se caractérise par un isolationnisme identitaire, tant à l'égard du Ministère de la Santé et des organismes de Sécurité sociale que des autres acteurs du système de santé. Comme l’écrit Didier Tabuteau, le "spectre de Monsieur Bovary" continue encore de dominer le paysage de la médecine libérale. Le temps du médecin isolé, du colloque singulier entre le médecin et le malade tel que le pratiquaient les générations précédentes, est en grande partie révolu mais il continue de hanter les réformes successives.


L’isolationnisme professionnel des médecins conduit encore trop souvent à freiner l’émergence d’autres professions soignantes. Le partage des compétences entre les médecins et les autres professionnels de santé est pourtant nécessaire pour répondre aux nouveaux enjeux sanitaires (prévention, maladie chroniques évolutives).


La profession des infirmiers compte près de 520 000 membres en activité, pourtant cette catégorie est encore cantonnée au statut « d’auxiliaire médicaux ». Ce terme obsolète et stigmatisant est révélateur de la considération de cette profession dans le code de santé publique.


Les pratiques et les aspirations des jeunes générations sont un atout pour les régulateurs du système de santé. Les transformations de l'organisation du système de soins devront tenir compte de ces nouveaux profils qui aspirent à un exercice regroupé et multidisciplinaire de la médecine. La féminisation importante de la population des médecins généralistes devrait également bouleverser les pratiques.


Les jeunes professionnels de santé ont démontré un goût pour les nouvelles technologies, le désir de déléguer des tâches et une certaine ouverture à des modes de rémunérations alternatifs. Ces éléments constituent des leviers important pour améliorer l’efficience de notre politique de santé


Toutes les professions au contact des patients doivent être considérées comme des professions médicales à responsabilité variable en fonction de leur niveau d’études, de délégations et de pratiques : de l’aide-soignante jusqu’au médecin chacun doit faire partie de la même chaîne notamment dans le cadre de la formation. Les infirmiers auront tout intérêt à s’insérer dans des structures de ville coordonnées par des médecins il y aura un véritable partage des compétences.


 

De nouveau métiers pour de nouveaux besoins



Notre système de santé doit donc en finir avec la séparation entre médicaux et paramédicaux. Des niveaux intermédiaires nous manquent entre le Bac + 3 de l’infirmière et le Bac + 11 du médecin spécialiste.


Il faut permettre des carrières multiples et créer des dynamiques de carrières, par des parcours certifiant. Les infirmières n’ont aujourd’hui que très peu de possibilités d’évolutions. Elles devraient avoir la possibilité de gagner en responsabilité par le biais des technologies et de la formation en passant des soins à des métiers de supervision numériques. Dans ce cadre, il serait opportun de mobiliser les dispositifs de formation dans le compte personnel de formation (CPF) intégré aujourd’hui dans le compte personnel d’activité (CPA).


Il est souhaitable qu’on se donne les moyens d’une vision prospective plus qualitative sur les nouveaux métiers de demain en lien avec la révolution numérique. Tous les champs des secteurs sanitaires, médico-sociaux doivent être balayés ainsi que celui des opérateurs (Assurance maladie, complémentaires santé).


Les formations non-cliniques de très haut niveau feront partis des nouveaux métiers de demain à imaginer. On peut affirmer avec certitude que le système de santé de demain devra donner une place aux métiers d’ingénieurs ou des informaticiens du vivant[1]. Ces nouveaux métiers n’interviendront pas directement pendant les épisodes de soins mais seront amenés à travailler en équipe avec les autres professionnels de santé.



Des nouveaux métiers doivent émerger pour couvrir les besoins liés au développement de la médecine de parcours. Les fonctions d’accompagnement médical et social représentent des gisements d’emplois considérables pour lesquels des formations devront être organisées. A cet égard, le travail mené par le « Montpellier Institut du Sein » dans la recherche d’un meilleur modèle d’organisation coordonné des professionnels de santé autour du cancer du sein a fait émerger le métier d’assistante de parcours. L’assistante de parcours ne remplacerait pas l’infirmière libérale de coordination, elle informerait, orienterait et ferait le lien avec les différents acteurs. Elle alerterait les professionnels de santé en fonction des étapes du parcours de soins en rassemblant les données et informations relatives au suivi de la pathologie du diagnostic à l’après traitement.



Les professionnels ayant une compétence sanitaire et sociale seront indispensables pour mettre en œuvre les réformes visant à améliorer les parcours de soins et de vie des personnes confrontées à des problèmes médicaux de plus en plus complexes.



Il est nécessaire d'adopter une approche globale et non plus sectorielle de notre système de santé. Celui-ci devrait par exemple inclure la notion de système d'information. Tous les acteurs du secteur médical et paramédical, toutes les sociétés et organismes prestataires de services et de suivi à domicile, ainsi que les professionnels des technologies de l'information, doivent être inclus dans ce système.


 

Les nouvelles technologies et la transformation des métiers




La transformation des métiers est étroitement liée aux évolutions technologiques. Les technologies et le virage numérique sont un puissant vecteur de rupture avec le mode d’exercice médical traditionnel isolé qui ne répond plus aux besoins sanitaires du XXI éme siècle.


Les technologies devront être à mises disposition au sein structures de santé pluri-professionnelles.


L’intelligence artificielle ouvre la voie à une médecine où le suivi en temps réel du patient et des traces qu’il produit est essentiel pour améliorer la fiabilité des nouvelles techniques. La portabilité et la possibilité pour l’individu de communiquer des données pertinentes pour la santé doivent être repensées aujourd’hui. Pour cela, il faut accompagner la transformation des métiers, faciliter la coordination des acteurs et mettre en place une véritable gouvernance de la donnée.


Il faudra néanmoins éviter le risque de générer une dépendance à la machine. Les technologies sont neutres par nature mais elles ouvrent un champ d'opportunités positives et de risques potentiels. Elles bouleverseront nos modèles organisationnels et économiques. Mais si politiquement et financièrement on ne prépare pas la totalité des personnes concernées ─ malades, élus, médecins et gestionnaires ─ on risque de générer une dépendance à la machine. Le risque étant de voir l’homme travailler selon le rythme que lui impose la machine. C’est pour cela que l’investissement technologique doit être accompagné d’un investissement dans les Ressources Humaines pour éviter la déprofessionnalisation et la dégradation des conditions de travail.


La formation à l’intelligence artificielle des professionnels de santé doit par conséquent être intégrée à la réforme en cours sur les études de médecine. Les technologies et cette transformation des métiers nous permettrons de rompre avec la pensée selon laquelle il est nécessaire d’avoir un médecin dans chaque village de France tout en assurant un égal accès aux soins. La condition repose sur la structuration d’une offre de soins où les outils technologiques (téléconsultation, télé-expertise, la téléassistance) assurent le relais des soins de proximité (plateformes techniques de proximité de premier recours).


L’apparition des déserts médicaux dans les campagnes et dans certaines banlieues témoigne de l’urgence de décloisonner les parcours et les compétences entre les différents intervenants dans le champ de la santé.


[1] Les Sciences du Vivant regroupent sous un terme générique tout ce qui traite du vivant, qu’il s’agisse de l’humain, de l’animal, du végétal, etc. L’ingénieur en Sciences du Vivant peut donc se spécialiser dans différents secteurs (la biologie, la génétique, le secteur pharmaceutique, le génie médical et biomédical et les sciences animales).

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