Les négociations pour la future convention médicale se sont ouvertes en novembre dernier dans un contexte particulièrement complexe, après près de 3 ans d’une crise sanitaire inédite et dans un climat délétère de surenchère de la part de certains syndicats de médecins libéraux.
Les attentes du des médecins libéraux sont légitimement fortes à un moment où notre système de santé connait des tensions relatives à la démographie médicale et à l’attractivité des métiers. Cependant, les attentes sont également importantes du côté des assurés connaissent des difficultés croissantes d’accès aux soins financiers et géographiques.
Les assurés attendent également des réponses concrètes et de proximité pour pallier la désertification médicale dans certains territoires et garantir la qualité du parcours de soins. La future convention médicale devrait aussi mieux appréhender les besoins de santé publique et de prévention et être en adéquation avec les réalités sociales et sociologiques des professionnels de santé et des assurés. Enfin, elle devra porter de nombreux enjeux en termes d’attractivité, d’accélération du partage de compétences et d’accompagnement des pratiques visant à libérer du temps médical.
Cette nouvelle convention devra être en rupture dans la façon d’organiser la médecine demain par rapport aux conventions précédentes. Pour cela elle devra apporter des réponses concrètes pour les patients.
renforcer l’accès géographique aux soins
La démographie des médecins remet en cause les pratiques professionnelles ainsi que les habitudes de recours aux soins de la population et impose au système des évolutions d’organisation. Pendant les prochaines années, nous allons connaître une baisse sensible de la densité médicale, plus accentuée encore pour les médecins généralistes. En outre, de nombreuses enquêtes semblent aller dans le sens d’une moindre durée de travail des jeunes professionnels ce qui peut entraver les efforts de l'Assurance maladie pour augmenter la patientèle ou la file active des praticiens. Les départs en retraite de généralistes laissent de nombreux assurés sans médecins traitants et sans solutions alternatives car les cabinets existants sont saturés.
Les contrats démographiques mis en place par la précédente convention médicale ont permis d’augmenter légèrement la part des primo installations dans les zones sous-denses mais ils n’ont pas compensé le mouvement naturel lié au départ en retraite. Il convient donc de trouver de nouvelles solutions pour faire face aux enjeux de la répartition de notre offre démographique. Cette meilleure répartition géographique doit être au cœur de la prochaine négociation, elle doit s'appuyer sur le partage de compétences entre les professionnels de santé.
Le développement de l’exercice coordonné est un moyen de renforcer l’attractivité de ces zones sous-denses pour les médecins généralistes mais encore faut-il trouver le moyen de faire (re)venir la médecine spécialisée qui exercent désormais majoritairement dans les grandes métropoles. En effet, un généraliste ne sera pas enclin à s’installer dans un territoire dépourvu d’une d’offre de second recours. Il existe de nombreux leviers à mobiliser dans le cadre de la prochaine convention médicale comme les consultations avancées ou les équipes de soins spécialisées.
Au terme, des cinq ans de vie la future Convention médicale, l’exercice coordonné devra devenir la pratique majoritaire chez les professionnels de santé. Ce mode d’exercice correspond aux aspirations des jeunes générations qui souhaitent travailler en équipe. Les exemples de coopération entre médecin, infirmier, pharmacien sont très nombreux dans les pays étrangers.
Les nombreuses évaluations scientifiques ont parfaitement démontré l’efficacité du travail en équipe de soins primaires sur l'amélioration de la qualité du travail et surtout de la qualité de la prise en charge du patient. Un levier important d'accélération de cette coordination repose sur le déploiement de paiements forfaitaires qui valorise cette coopération autour du patient.
Bien que les syndicats de médecins libéraux y soient farouchement opposés, il faudra également envisager une forme de régulation démographique car les disparités entre les territoires s'aggravent et les différences d’accès aux soins selon que l'on se situe sur une zone littoral ou en territoire rural s'accentuent.
Tenir compte de la nouvelle "donne démographique"
Depuis les années 90, les spécialistes ont dépassé en nombre les généralistes et nous n’avons pas tiré les conséquences de cette évolution. Or ce segment devenu majoritaire de la médecine est l’objet de peu de réflexions et d’actions collectives pour le positionner clairement dans l’architecture future du système de soins. Les médecins spécialistes sont ultra-majoritaire en secteur II et la plupart d'entre-eux pratiquent des dépassements d'honoraires qui atteignent des niveaux importants. L'OPTAM et l'OPTAM-co parviennent difficilement à enrayer ce phénomène.
La prochaine convention médicale devrait être en mesure de proposer des évolutions de l’offre de la médecine spécialisée en adéquation avec les besoins de la population (maladies chroniques) et les orientations impulsées pour organiser les soins primaires de proximité.
Une réponse de proximité aux demandes de soins non –programmés
Autre enjeu important pour les assurés et qui devrait être au cœur des discussions de la prochaine Convention médicale : celle de la permanence des soins en ambulatoire. La capacité de la médecine de ville à prendre en charge les soins non-programmés est encore trop erratique créant ainsi des effets de déversement sur l’hôpital. A l’heure actuelle, la médecine de ville n’est pas en mesure d’accueillir les soins non-programmés et l’hôpital devient un recours par défaut. Les Conventions médicales qui se sont succédé ont tenté en vain de reporter ce rôle d’aiguillage sur la figure du médecin traitant. Malheureusement ce dernier n’est jamais devenu le pivot incontournable de l'orientation du patient. Il s’agit davantage d’un parcours tarifaire que médical.
La dynamique démographique en berne des généralistes et le flou qui demeure sur le positionnement qu’on souhaite donner au médecin traitant entrave l’émergence d’une véritable figure pivot du coordinateur du parcours de soins. La Convention médicale est l’occasion de réinterroger la lisibilité des financements de l’Assurance maladie dédiés à la consultation de médecine générale y compris la prise en charge des cotisations. Peu de gens savent qu’en réalité la valeur d'une consultation de médecine générale corrigée des rémunérations forfaitaires et des cotisations sociales s’élève à 35,20 euros au lieu de 26,50 euros.
Le suivi et la prise en charge du patient de l’hôpital au domicile
Enfin, un dernier enjeu celui des soins au domicile. Depuis une vingtaines d’années, les pouvoirs publics ont souhaité donné une impulsion au « virage domiciliaire» pour des raisons aussi bien économiques que médicales.
Cependant la médecine de ville n’est toujours pas à même de répondre à ce « virage domiciliaire». Les médecins généralistes ne se déplacent que trop rarement au domicile des patients. Le constat est encore plus négatif s’agissant des spécialistes.
Pourtant, le maintien à domicile des assurés âgés et dépendants nécessite en effet que l’offre de soins s’ajuste. Les médecins doivent avoir des plages horaires dédiées au déplacement au domicile de leur patientèle. Les infirmiers doivent pouvoir prendre en charge directement le patient à domicile et reporter effectivement les informations aux médecins généralistes. Ce partage de compétences et de responsabilité dans le suivi des patients doit être valorisé.
Décloisonner le sanitaire et le médico-social
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